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Pour garder sa crédibilité sur la scène internationale, le Canada doit cesser d’appuyer les élites corrompues d’Haïti

Lettre ouverte au Très Honorable Justin TRUDEAU, Premier Ministre du Canada
Monsieur le Premier Ministre,

La Charte canadienne des droits et libertés, promulguée en 1982 sous le leadership de votre défunt père Pierre E. TRUDEAU, stipule dans sa toute première phrase que le “…Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit”. La politique extérieure d’un Etat comme le Canada devrait refléter la vertu qu’il entend appliquer à l’intérieur de son territoire.

Dans cette perspective, le Canada a pour obligation morale, s’il veut garder sa crédibilité, de cesser d’appuyer le Chef de l’Etat Haïtien Son Excellence Monsieur Jovenel Moïse, qui vient d’être personnellement et directement indexé, sans ambiguïté aucune, par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif d’Haïti (CSC/CA), dans le plus vaste scandale de corruption que ce pays ait connu.

Il représente, par ce fait même, aux yeux d’une bonne partie de l’opinion publique haïtienne, le symbole d’un système de clientélisme, de favoritisme, et d’injustice qui ne peut plus durer. Haïti exige un changement de paradigme, un nouveau système!

Monsieur le Premier Ministre,

Ce verdict d’une haute institution républicaine d’Haïti sur la corruption systémique lève le voile, de manière univoque, sur le principal obstacle au développement économique d’Haïti et la violence structurelle qui détruit et appauvrit la grande majorité des haïtiens. Il traduit surtout, de manière éloquente, la perversion et la prise en otage du processus démocratique depuis 30 ans par un petit groupe de dirigeants puissants, kleptocrates et corrompus au détriment d’une population souffrante, essoufflée et faussement représentée dans les paliers de gouvernement. Le bilan mitigé de l’aide canadienne à Haïti s’explique en grande partie par la mauvaise gouvernance qui défie, trop longtemps, les principes élémentaires de transparence, de redevabilité et de reddition de comptes.

Monsieur le Premier Ministre,

Sous prétexte de promouvoir la stabilité politique et la démocratie, la “communauté internationale” appuie avec complaisance les autorités haïtiennes et ferme trop souvent les yeux sur la mauvaise gouvernance, la corruption endémique et les multiples injustices dont sont victimes les couches les plus vulnérables d’Haïti. Cette politique étrangère à très courte vue laisse penser que la “communauté internationale” est encline à verrouiller le statu quo, renforcer la mainmise des oppresseurs sur les victimes du système que représente la grande majorité des haïtiens qui croupissent dans l’exclusion et la marginalisation.

Une démocratie qui ne se mesure qu’à l’aune d’élections périodiques truquées n’est qu’une parodie, une démocratie de façade au service des corrompus du système. Le Canada et ses autres partenaires internationaux ont trop longtemps considéré l’organisation d’élections comme l’indicateur ultime de la démocratie en Haïti, perdant de vue la gouvernance quotidienne du pays, les crimes financiers et les multiples violations des droits de la population par les autorités gouvernementales. La corruption jette plus de 8 millions d’Haïtiens dans la pauvreté abjecte, la faim, le dénuement et l’insécurité humaine. Toute complaisance vis-à-vis des dilapidateurs du fonds PetroCaribe pourrait être interprétée comme une forme de complicité malsaine, à peine voilée.

Monsieur le Premier Ministre,

Alors que l’autorité morale de votre grand voisin du Nord s’effrite sur la scène internationale, il est nécessaire que le Canada fasse preuve de leadership pour appuyer une démocratie au service du peuple d’Haïti et défendre les valeurs universelles de justice, d’équité, et de solidarité humaine. La seule voie à prendre pour y arriver est de cesser d’appuyer le Président décrié Jovenel Moïse.

Grâce aux nouvelles technologies qui ne cessent de briser les barrières entre les peuples et ouvrir les portes du savoir, Haïti dispose aujourd’hui d’une jeunesse éclairée, avant-gardiste et déterminée qui saura forcer les portes d’une justice saine et équitable et frayer la voie vers un destin plus glorieux. Elle est prête à faire feu de tout bois pour éclairer les sentiers de l’avenir et rendre à Haïti sa dignité historique et originelle.

Monsieur le Premier Ministre,

J’ai étudié dans les universités canadiennes et mes enfants sont nés ici, au Canada. J’ai toujours été attiré par la perception que cette terre charrie les valeurs universelles des droits humains inaliénables. Vous avez aujourd’hui la possibilité de prouver à ces milliers d’haïtiennes et d’haïtiens d’origine, qui pendant des générations ont contribué à construire la nation canadienne, qu’ils n’ont pas eu tort de choisir le Canada, terre de liberté et de promotion des droits humains.

Je ne vous demande pas de vous immiscer dans les affaires internes d’Haïti. Je n’implore pas votre aide. Nous saurons y arriver seuls, si vous cessez d’appuyer les élites corrompues qui volent et qui violent l’avenir de tout le peuple d’Haïti.

Recevez, Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de mes profonds respects.